Cette sculpture insolite a pris place durant 3 jours à Bordeaux pour offrir des vœux dans la ferveur du passage d’un millénaire à l’autre. De façon ludique, poétique et festive, l’intention était de valoriser la richesse de la culture populaire et l’héritage des coutumes.
Le public était acteur, à chacun de faire le geste déclencheur d’un éternuement de la Machine, formuler ses souhaits, garder secrets ses désirs ou partager la “recette à vœux” qu’il a reçu sous forme de joli message.
Les recettes, entre sacré et profane, proviennent des coutumes populaires du monde entier. Elles sont liées aux circonstances dans lesquelles on formule des souhaits ou bien révèlent un procédé pour que les vœux de santé, bonheur, amour, richesse, prospérité ou succès se réalisent.
Cet été-là je réfléchissais, hors saison, à ce que je pourrais inventer pour une prochaine carte de vœux. Je me disais qu’il serait amusant d’énumérer toutes les circonstances qui donnent droit de faire un voeu. À la même période j’ai eu envie de réaliser un événement pour mettre en valeur une église désaffectée et méconnue du vieux Bordeaux. L’idée d’un parcours entre sacré et profane s’est imposé. Un ange sur trapèze, une machine à vœux qui distribue des recettes, un arbre à souhaits pour y accrocher ses désirs, une fontaine à bonheur, un graphisme au sol de pigments et senteurs, 3 chanteurs, une bande son d’éternuements, des travaux d’artistes choisis sur le thème des ex-votos et saintes vierges…
J’avais quelques artistes en tête. Dès que j’ai pensé “Machine à Vœux” est immédiatement venu se greffer le nom de Patrice Ferrasse : admirative de son travail depuis une dizaine d’années, j’attendais depuis notre rencontre à la galerie Cour Intérieur, l’opportunité de faire appel à lui… De bouquiniste en librairie ésotérique, je demandais partout un “livre des circonstances dans lesquelles on fait des vœux”, c’est à la Machine à Lire que l’on m’a conseillée Le Livre des Superstitions d’Éloïse Mozzani ! Exactement ce qu’il me fallait. J’ai écrit à l’auteur. Nous nous sommes rencontrées et nous sommes devenues amies dès le premier quart d’heure.
A suivi une longue période de démarches en tous genres auprès des institutions et d’improbables mécènes. Avec cette sensation désagréable de n’être qu’une balle de ping-pong renvoyée d’une institution à l’autre… au bout de deux pénibles années j’ai fini par ranger provisoirement mon dossier dans le tiroir des espérances déçues.
C’est alors que la ville de Bordeaux m’a demandé d’adapter le projet pour les fêtes du passage en 2000. J’ai d’abord proposé de multiplier le Jeu des Vœux simultanément dans les nombreux anciens lieux de culte oubliés. Puis de réaliser un parcours dans la ville, Jeu des Vœux géant avec différents points-étapes reliés par une signalétique de lampadaires. Mais la mairie n’était intéressée que par l’idée de Machine à Vœux.
J’ai redéfini le jeu pour n’en conserver que l’essence : donner / recevoir, public acteur, mécanisme interactif, à la fois sophistiqué et populaire, poésie, magie, esthétisme et humour… cela collait parfaitement à la démarche de Patrice Ferrasse.
© Dessins de Patrice Ferrasse
En deux coups de fax les Machines à Vœux sont nées, deux sculptures éphémères monumentales, ludiques, esthétiques et interactives qui correspondaient à notre imaginaire et répondaient aux attentes de la Direction des Affaires Culturelles.
Le principe de “donner / recevoir” a également conditionné la forme des machines. L’une, dans l’élan du don aurait tendu sa structure vers les cieux ; l’autre a pris une forme parabolique de réceptacle dans l’idée de recevoir un message tombé du ciel…
Malheureusement, les restrictions de budget et de délais n’ont permis de réaliser qu’une des deux machines. Est venue s’ajouter une tempête qui n’a pas facilité les conditions de montage. Malgré tout, durant 3 jours en ce début de siècle, une sculpture insolite, “machine à atchoums” a pris place sur les quais de Garonne.
Et près de 40 000 personnes ont souri du message qui leur était échu !